NO SPAIN NO GAIN
Après notre aventure du Torino-Nice Rally de 2016, il fallait trouver un nouveau projet. Un projet suffisamment ambitieux pour nous faire voyager 7 jours, si possible avec un peu de dénivelé, du gravier, du chemin, le tout à portée de train pour faciliter un minimum la logistique.
Après mûres réflexions, et pour varier les plaisirs, nous avons rapidement décidé de partir en Espagne, pour une boucle de 700km entre Navarre et Pays Basque espagnol.
7 jours, 7 cyclistes, 700 km.
Pour corser un peu le tout et profiter au maximum de ce que le nord de l’Espagne a à offrir, nous avons façonné notre itinéraire sur 3 zones particulièrement différentes : la montagne, en attaquant le périple par l’extrémité occidentale des Pyrénées ; le désert, en traversant les mythiques Bardenas Reales ; et enfin l’océan, en longeant l’Atlantique de Bilbao à Hendaye.
3 salles, 3 ambiances.
Fidèles à nos habitudes, pas question de se contenter de photos prises au téléphone. Chacun d’entre nous s’est équipé pour l’occasion et nous embarquons un cheptel d’appareils photos argentiques relativement conséquent. Mamiya 7, Nikon FM2, Contax T2, Yashica T4, Konica BigMini, Olympus Mju. Globalement tout ce que ces 40 dernières années ont fait de mieux en matière de mécanique photographique. Pour compléter le tout, un mini drone, une GoPro et un Sony RX100 permettront de tourner le film de cette aventure.
Dimanche 6 août 2017, nous sommes dans le train à grande vitesse Paris-Hendaye et pour l’instant tout va bien.
PROLOGUE
Jour 1, 14h32, nous descendons de l’interminable Paris-Hendaye pour attaquer une première journée qui a déjà fait beaucoup parler d’elle au sein du groupe. Était-il raisonnable d’attaquer notre voyage par une étape de 60km de montagne, en partant à 15h, avec près de 1500m de dénivelé au programme ?
À peine sorti du train, c’est un autre problème qui va occuper nos esprits : a-t-on déjà perdu un camarade de route avant même le premier tour de roue ? Antoine déballe son vélo sur le quai, et constate, malgré un emballage digne de Christo, que sa patte de dérailleur s’est désolidarisée du cadre. Ni rupture, ni casse. Elle est simplement à côté.
Panique à bord. Dans une fulgurance matinale, il a eu la présence d’esprit de prendre une patte de dérailleur de rechange. Le vélo, ça ne tient finalement à pas grand-chose. Une pièce d’aluminium de 15 grammes manquante et tout est terminé. Le train repart vers Paris, nous sommes tous les 7 sur le quai, les vélos sont remontés, les sacs repliés.
Nos sacoches pleines à craquer sont fixées aux cadres et chaque monture doit avoisiner les 25 kilos. C’est lourd. Les GPS sont allumés, la carte chargée. Nous pouvons partir à l’assaut de l’Espagne.
- LA MONTAGNE
Nous longeons la Bidassoa quelques kilomètres avant de nous engager dans la montagne. L’idée de cette aventure était de privilégier au maximum les chemins secondaires si possible non goudronnés. Nous avions repéré un itinéraire qui semblait intéressant et qui emprunte une portion du GR10. Vu du ciel sur Google Earth, tout cela semblait parfait. Sur la carte, les choses avaient l’air praticables.
Km 5, nous attaquons une pente de 13%… Qu’à cela ne tienne, nous avons déjà vu pire. Km 6, la route se transforme en chemin. Nous croisons des randonneurs équipés qui nous regardent avec de grands yeux, l’air de dire « mais qu’est-ce que vous branlez les mecs, c’est un chemin de randonnée ». Km 7, ce qui était un chemin, certes pentu mais néanmoins praticable, commence à se rétrécir en largeur. Pour être précis, il disparaît littéralement sous une épaisse couche d’un mélange de ronces, de buissons piquants et d’arbustes secs.
C’est officiel, l’aventure vient de commencer.
Nous sommes déjà trop avancés dans le merdier pour faire demi-tour. Le dénivelé de la journée est bien entamé, mais il reste un sacré morceau à parcourir et pas de chemin digne de ce nom en vue. Nous croisons des randonneurs qui se demandent bien comment nous sommes arrivés là. Le poussage se transforme en escalade.
On ne va pas se mentir, on se sent bien cons. La pente frise les 25%, nous suons tous à grosses gouttes. Il nous faudra près de 2h pour parcourir les 8 premiers kilomètres. Autant dire que l’objectif de la journée ne sera pas atteint …
Il est 17h20, si on se retourne, on voit toujours la gare d’Hendaye.
Arrivés au sommet de cette première côte, un plateau providentiel sur lequel on devine le début d’un chemin roulable. Nos jambes sont en sang, des griffures plein les bras. La route est magnifique, verdoyante. Rien à voir avec ce que nous connaissons des Alpes. Les paysages sont plus doux, mais paradoxalement, les reliefs sont abrupts. On flirte avec les 15% sur la plupart des montées.
Pas de col au programme, mais une succession de bosses en longeant la frontière franco-espagnole. Nous roulons depuis déjà 6h et la lumière commence à faiblir. Il faut trouver un point de bivouac pour passer la nuit et réfléchir à la manière de raccourcir la journée de demain pour rattraper notre retard.
Nous avons fait 34km et 1250m de dénivelé. Sacré morceau.
Le bivouac se fera derrière une bergerie, vue 5 étoiles. Nous montons les tentes entre les bouses séchées. 3 styles, 3 ambiances : deux tentes light 2 personnes, un tipi tarp/tente, et une micro tente ultralight 1 personne. La journée de demain sera forcément plus simple.
C’est toujours étrange un premier bivouac. Il faut se réhabituer à dormir dans une tente, sur un matelas qui fait du bruit, avec un autre type à 20 cm de soi et avec les bruits de la nature qui vous entourent. Le son de cette première nuit sera le bruit d’une cloche au cou d’une chèvre qui aura passé 5 heures à s’approcher de nos tentes, visiblement curieuse de ces 7 cyclistes venus déranger le calme de cette route de crête.
Réveil à 7h pour tout le monde. Petit café pour commencer, puis une bonne heure pour plier tout le matériel. Mis bout à bout, la préparation matinale de 7 cyclo-campeurs prend difficilement moins de 2h.
Départ du groupe, rapidement interrompu par deux problèmes de taille. Louis est en train de casser sa chaîne à petit feu et Alexis perd l’usage de son collier de selle. Ça valait bien la peine de se monter des vélos à 4 000€ pour casser de pièce à 15 balles au bout de 30 bornes. Qu’à cela ne tienne, nous ferons un crochet en ville pour trouver un magasin de vélo.
Nous attaquons sans trop le savoir le col de Puerto Artesiaga, catégorie 1 tout de même, sur 15 bons km à 6%. Quand on ne s’y attend pas, ça surprend. Chacun monte à son rythme, notamment Louis, qui, tel une machine fait le yoyo sur le parcours pour prendre diverses photos sans montrer le moindre signe de fatigue.
Depuis le début du voyage, les températures sont particulièrement basses pour un mois août et un orage s’annonce pour ce soir. Nous profitons du sommet du col pour définir une stratégie.
La priorité est de réparer les deux vélos. Nous passerons donc à Pampelune pour manger et trouver un bikeshop. Le bivouac prévu pour le soir est en pleine zone de prévision orageuse. Nous décidons alors de tracer vers la ville de Tafalla pour y trouver un abri.
L’Espagne dort entre midi et 16h. C’est valable aussi pour les magasins de vélo. En attendant l’ouverture, nous dévalisons les pinxos d’un bar du centre-ville en buvant notre 5e litre de bière du voyage. 15h sonnante, Louis répare sa chaîne, Alexis remplace son collier de selle. Nous repartons vers la route la moins marrante du voyage : la N121, mi-nationale, mi-autoroute, dont la bande d’arrêt d’urgences est une piste cyclable.
Nous serons les fesses pendant 30km à un train d’enfer entre les camions benne sortant des carrières et les voitures lancées à 130 km/h. Il est 19h, nous entrons dans Tafalla. La terrasse d’un bar sur la place principale de la ville nous ouvre ses bras.
Nous l’avions décidé, nous dormirons à l’abri ce soir, mais un rapide coup d’œil sur les plateformes hôtelières en ligne nous rend assez pessimistes. Rien n’est libre, tout est cher. Nous commençons à chercher les campings, les abris de fortune. La pluie arrive dans 2 h, il faudrait peut-être s’activer pour ne pas planter le camp sous des trombes d’eau.
Antoine demande au barman s’il connaît un bon endroit, il nous explique que nous aurons 15 mètres à faire pour dormir au chaud. Le bar fait hôtel, il y a 3 chambres de libres, 6 lits. 15 minutes plus tard, 2 lits sont sanglés pour faire 3 places dans la longueur, et nous sommes sous la douche. Ce sera d’ailleurs la seule véritable douche du voyage.
Comme prévu, à 21h, des trombes d’eau. Dans la vie, il faut savoir faire des concessions. Il aurait été idiot dès le deuxième jour de continuer avec du matériel trempé. Malgré l’étanchéité de nos sacoches, il est clair que nous aurions payé cette nuit humide jusqu’à la fin du voyage. Nous aurons notre dose de pluie par la suite.
Repas rapide à l’hôtel, dans la plus pure tradition gastronomique ibérique : des choses frites et de la viande plate. Au lit, demain, le jour tant attendu.
- LE DÉSERT
L’un des gros fantasmes de ce voyage était la traversée des Bardenas Reales. Ce désert du nord de l’Espagne célèbre pour ses concrétions de plusieurs dizaines de mètres de haut, sa faune et sa flore endémiques.
Après la recherche d’une panaderia et la dégustation du 3ème Pan con chocolate du voyage, nous prenons la route plein sud en direction du parc naturel. Le paysage change du tout au tout. Les éoliennes poussent comme des champignons et la luxuriante végétation des Pyrénées laisse place à une nature plus aride et hostile.
Pas de doute, nous arrivons dans le désert, poussés par un vent de dos. En guise d’apéritif, une somptueuse descente tout en gravier vers Carcastillo. Les paysages sont sublimes, nous trouvons ici exactement ce que nous sommes venus chercher : la nature, les chemins, l’aventure.
L’un d’entre nous trouve alors la parfaite définition de ce que nous sommes en train de faire :
le Gravel commence là où les voitures s’arrêtent.
Les portes du désert sont symbolisées par une grande statue du Pastor Bardenero. Le temps de prendre la pose pour la photo et de vérifier l’itinéraire, nous voilà partis sur les pistes (touristiques) du P.O.R.N. des Bardenas Reales.
Le lieu est incroyable, les couleurs, les paysages. Très changeant. Nous croisons pas mal de vans et de voitures. Malheureusement, l’une des plus belles zones du parc est interdite au public en raison de la nidification des vautours. Il paraît qu’ils n’aiment pas les vélos ces cons. Nous respectons leur choix, et les laissons couver en paix.
Nous filons vers le point le plus connu du désert, une sorte de pic avec un tas de cailloux au sommet. Sur les photos, ça rendait très bien ! En vrai, c’est un pic avec un tas de cailloux au sommet et 30 bagnoles au pied. On décide de descendre s’amuser un peu dans un canyon juste à côté.
On remonte au calme vers l’office du tourisme. On fait le plein d’eau avant de partir dans la partie la plus reculée du désert, là où les voitures ne vont plus. On se retrouve ainsi au milieu de nul part, serpentant entre les canyons et autres lits de ruisseaux asséchés.
Au calme et sans véhicules, c’est absolument splendide. La lumière tombe, elle est de plus en plus belle. Nous étions censés terminer notre journée par une belle ascension pour dormir face à un beau panorama. Nous décidons d’écourter la map pour pouvoir profiter un peu de la fin de jour et prendre l’apéro dignement.
On se délecte de nos plats déshydratés MX3 avec, en prime un fuet, des cannettes, et pour le dessert, une glace lyophilisée d’astronaute. Une bien étrange expérience. Nous dormirons sous les étoiles.
- LE VENT
Jusqu’ici, nous n’avons pas eu à nous plaindre des conditions météo. Hormis l’épisode pluvieux du deuxième jour, nous avons roulé avec le vent dans le dos, au sec, à des températures idéales entre 20 et 25 °C.
Notre remontée vers le Pays Basque espagnol se fera dans une certaine douleur. Il semblerait que le vent du nord qui nous poussait jusqu’alors, tourne légèrement pour venir de l’ouest et que la pluie soit au rendez-vous pile pour notre sortie de la Navarre.
Sur le papier, cette journée est simple : on suit l’Èbre pendant 120km, tranquillement, départ à 9h, l’affaire est pliée à 14h. Mais nous nous rendrons compte, assez rapidement, que le vent de face pendant 120km rend fou. Nous sortons du désert et commençons notre besogne à travers les vergers et les vignes.
Un passage hors-piste dans un champ de chardons nous vaudra 7 crevaisons simultanées. Du jamais vu. On improvise alors un atelier géant. Tout le monde répare, sauf les deux chanceux en tubeless, qui se contentent de faire tourner leurs roues pour faire agir le préventif
Les paysages sont assez décevants. On essaye d’augmenter le rythme dès qu’un peu d’asphalte se présente. Impression de rouler à 50km/h. 25 sur le compteur. Putain de vent. Stop à Alfaro dans un resto étrange qui nous place dans une salle à part.
Le reste de la journée sera un peu chaotique. Nous hésitons sur la map, le vent ne facilite pas la tâche. On cherche des shorcuts, mais ce sont toujours des routes à camions. Rouler à côté de 35 tonnes traçant à 90 km/h est vraiment la dernière chose à faire quand on fait du vélo. Bon an mal an, nous continuons à longer la rivière. Après tout, c’était le but de la journée. Nous n’allons pas bien vite, mais on se rapproche.
Il commence à se faire tard, on en a tous marre. Le point de destination est encore à une vingtaine de km-gravier, soit l’équivalent de 300km-asphalte selon la charte de conversion dite « de gravelle ». Nous ne voulons pas planter la tente de nuit. Nous nous arrêterons à Sartaguda.
C’est la féria aujourd’hui ! Une fontaine derrière le podium concert. Tels des castors lapons, nous faisons notre toilette à 2 mètres de la scène, avec le batteur du groupe qui nous regarde un peu comme des extraterrestres.
On trouve des bières, un terrain pour camper un peu plus bas dans le village. La sono sera tout de même suffisamment puissante pour nous délecter d’une dizaine de passages de Despacito dans la nuit, jusque 5h du mat’.
On se réveille avec le refrain dans la tête. Il ne nous quittera plus du voyage. Pire que le vent, Despacito rend fou.
Aujourd’hui, nous repassons en mode montagne. Au menu, l’ascension de Lizaraga. Une vingtaine de kilomètres à environ 5%. Promenade de santé en temps normal, mais avec le vent, la pluie, et la température qui descend aux alentours de 10°C, c’est tout de suite un peu plus corsé.
Nous monterons une bonne partie de la matinée. Nous rejoignons alors l’itinéraire que nous avons trouvé sur bikepacking.com : Le tour du Pays basque. C’est cette trace qui nous avait donné envie de partir à l’aventure dans cette région. Nous découvrons le Pais Vasco par le parc naturel Urbasa Andia.
La bruine se transforme en pluie. Les paysages sont magnifiques, on n’y voit rien, mais la brume nous plonge en Écosse. C’est magnifique. Le silence dans la brume est surprenant. Parfois la cloche, d’une vache ou d’un cheval. Sinon, c’est nous, nos dérailleurs, et rien d’autre.
C’est seulement en fin de journée que nous retrouverons un peu de soleil. Pour la première fois du voyage, nous dormons à l’endroit prévu. Au bord d’un petit lac, dans une zone de pâture sympathique. Toilette de chat, yolo, feu de bois minus, drone.
Demain, Antoine doit rentrer. Il était prévu dès le départ qu’il ne roulerait que 5 jours, pour raisons de planning estival. Il se rendra compte le demain qu’il n’aurait pas pu rouler une journée de plus.
Nuit fraîche, 5°C. Un bruit étrange nous réveille. C’est Antoine, prêt à partir, qui trafique son dérailleur. Sa patte de dérailleur est de nouveau cassée. Improbable. Irréparable sur le terrain.
Julien, grand spécialiste français de destruction de dérailleur vient donner un coup de main pour trouver une solution. À vrai dire, c’est un homme qui ressemble à Julien, mais bouffi par la nuit humide, qui cherche une solution. Avec un mec qui ressemble à Pierre, mais dont on ne voit pas trop bien les yeux. La nature ne fait décidément pas de cadeau…
La solution trouvée consistera à fixer le dérailleur sur le hauban, avec deux serflex, en priant pour que rien ne bouge et que le dérailleur ne finisse pas sa carrière au milieu des rayons. Antoine prend le départ dans la brume, nous allumons un cierge pour lui.
De notre côté Aujourd’hui, nous allons vers Bilbao, en passant par Vittoria Gasteiz, où l’offre culinaire est luxuriante selon Arthur.
Nous avons déjà faim. On trouve une boulangerie sur la route pour se requinquer, et tracer sur de chouettes chemins vers Vittoria. Une fois en ville, il nous faudra 30 minutes de benchmark pour décider où manger. Un restaurant local, pas ouf, mais pas mal, qui nous réconcilie vaguement avec la gastronomie locale.
La ville est jolie, mais les chemins nous manquent déjà. On perd pas mal de temps, dans les collines, notamment à cause de pentes à 25% qui nous obligent à pousser durant de longues minutes les vélos. Ce n’est plus du bikepacking, mais du bike hicking. C’est lourd et l’heure avance.
Le mont Gorbeia, malgré tous ses attraits nous semble petit à petit difficilement accessible. Il est plus judicieux pour nous de contourner le massif, pour mieux y retourner le lendemain. Nous décidons de la jouer « route » après une discussion au bord d’une fontaine tandis que Louis en profite pour se laver les cheveux.
Ce sera la seule « vraie » modification de la map du voyage. On passe à ce moment à côté d’un beau morceau qui semblait magnifique. Mais comme le dit Louis, « la map va maintenant nous régaler de descente et de gros draft ». Petit train lancé à 35, avalage de bornes, puis une descente comme on les aime, longue, rapide, pentue, en bon asphalte, qui permettra de flirter gentiment avec les 70 km/h.
Bivouac en bordure d’un sympathique village, au début d’une montée qui nous permettra de regagner la trace initiale. Demain, la mer.
- OCÉAN
Une chose est sûre : ce voyage est plein de surprises. Par exemple, qui aurait cru qu’une étape reliant la montagne à la mer, théoriquement en descente, serait la plus sérieuse map en terme de dénivelé et nous donnerait du fil à retordre ?
Nous nous levons comme des fleurs, sans trop savoir que 2500m de D+ nous attendent pour la journée. On attaque salement par 5km à 10%, en croisant tout un tas de randonneurs. On réalise alors que nous sommes sur un des chemins de Saint-Jacques quand une randonneuse aux airs de « cul-bénit » nous souhaite un « bon chemin ».
Nous nous arrêtons pour faire le plein d’eau et acheter de quoi faire des sandwichs à mi-journée. Nous sommes rejoints par Ugaitz, un pote que Julien a rencontré en Australie. Il est de Guernica, et nous accompagnera jusqu’à la mer avec son gros ratio.
Nous atteignons le troisième chapitre de l’aventure : l’océan. Impossible de venir en Espagne sans profiter de l’Atlantique.
L’arrivée se fera avec une glace artisanale à la main sur la plage bondée de Lequeitio. Bye-bye la nature tranquille, hello la civilisation, les touristes français et les vans aménagés par dizaines.
Nous commençons alors à longer la côte, sans trop voir la mer tant la côte basque est un putain d’enchaînement de montées diaboliques et de descentes jamais assez longues. Nous passons la fin de journée à monter, puis descendre, puis monter, puis descendre… Les sacoches se font de plus en plus lourdes, l’envie d’une pizza de plus en plus grande.
Une partie de la bande passe en mode fusée. Le bitume est roulant, et Louis décide d’emmener tout le monde sur les dix derniers kilomètres du plat final à 40km/h. À peine le temps de profiter du paysage, nous voilà déjà à la terrasse d’un bar de Zarautz, profitant du coucher du soleil en sirotant notre 15ème litre de bière du voyage.
Rapide concertation, ce soir il semble plus que bienvenu de déguster une belle Calzone. Nous trouvons un italien de qualité et terminons le repas avec une étrange mousse au chocolat/avocat. Il est 22h, 120km dans les pattes, une pizza dans le ventre, il va falloir dormir. Le point de bivouac est sur les hauteurs de la ville, face à l’océan. Nous serons obligés de nous cogner une dernière montée pour terminer le compteur de D+ à 2300m.
En arrivant sur la corniche, nous passons près des douches d’un camping, ce qui ne manque pas de mettre l’eau à la bouche de certains d’entre nous, qui commencent à ne plus trop supporter notre manque d’hygiène manifeste. C’est vrai que les toilettes de chat/castor que nous pratiquons le soir commencent à être un peu légères. Une bonne douche ne serait pas de refus.
Nous cherchons d’abord un spot pour planter les tentes, ce sera sur une belle étendue d’herbe, avec vue panoramique, non loin de pas mal de jeunes venus ici pour fumer des joints et profiter du panorama.
Le réveil sera mémorable, entouré par l’océan, avec les surfeurs matinaux comme voisins de chambre, et le bruit des vagues au loin comme radio. Ce dernier jour est le plus court, 60km, il faudra attraper les trains en fin d’après-midi.
Nous plions les sacs pour la dernière fois. Dernier café filtre, dernier petit déjeuner déshydraté, dernier enfilage de cuissard humide, dernier crémage de fesses. Dernière panaderia aussi, où nous commandons un petit déjeuner gargantuesque, profitant des prix démocratiques de l’Espagne en matière de jus de fruit frais.
Seule difficulté du jour, le mont Jaizkibel par le sud. Une côte bien connue des locaux, avec ses 8km à 5%. Nous le savourons. Petit tour de bac pour éviter une rocade, nous repassons enfin la frontière française en longeant les voies ferrées de la gare frontalière.
Nous sommes partis il y a 7 jours, ça nous semble 7 semaines tant nous avons croisé de paysages, de panoramas, de climats et d’ambiances. Ça nous semble aussi 7h, tant le temps à vélo est délicieux et les moments de plaisir mémorables.
Nous ferons les comptes plus tard, mais la somme de ces plaisirs valait bien le déplacement. Arrivés à Hendaye, pour une dernière bière et — enfin — un plat français. Le train est dans 1h, les vacances sont terminées.
Nous pensons déjà à la prochaine destination estivale. Où passerons-nous une semaine de surprises, de dénivelés, de cailloux loin des voitures l’année prochaine…
Il nous reste 358 jours pour le savoir.
LA VIDÉO
LA MAP
–
780 km
10800 D+
7 Jours
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Photos : Renaud Skyronka ~ Louis « Junior » Pille-Schneider ~ Arthur Feraud ~ Julien Sommier