Grand Belgisme

1 er mai, 8 mai , 30 mai. Chaque année, la France tourne au ralenti pendant le 5ème mois de l’année à coup de ponts et de RTT. 2019 n’échappera pas à la règle, et nous profiterons du pré-pont du 1er mai pour ouvrir les festivités.
Julien propose « l’Arbalète Ardennaise », une map certifiée gravier, glanée , une fois n’est pas coutume, sur le site bikepacking.com.
Au menu : 4 jours dans les Ardennes belges, 300km, 5000m de D+, 6 castors, dont deux spécimens féminins.

Seconde nuit encore plus fraîche que la première. Pierre regrette de ne pas avoir de doudoune. Hugues regrette d’avoir prêté la sienne à Élise. Les utilisateurs de doudoune sont satisfaits de leur choix.

Petit point statistique avant de commencer :
Les Ardennes, c’est en grande majorité de la forêt, les températures y sont moins élevées que dans le reste de la Belgique ( qui ne brille pas par ses températures élevées ) et il pleut en général un jour sur deux…

Ce qui veut dire qu’il fait beau un jour sur deux… Le plus simple est d’aller vérifier sur site. Nous partons donc en direction de Liège, pour attaquer cette mini aventure qui s’annonce bien fun.
Le chargement des vélos à Paris se fait au petit matin sous la pluie… chacun ajoute à son sac un pantalon étanche, au cas où… mais de toute façon, comme d’habitude, nous passerons entre les gouttes ! ou pas.

 
Jour 1

Liège.

Il est 10h ou presque. On décharge les vélos en essayant de ne pas ruiner le 4×4 Catz’n’shit de Bruno, et on rejoint Julien , Melanie, Laurent et Pierre qui sont déjà sur site depuis la veille. Il bruine, il fait 10°. On s’équipe. La journée s’annonce très très humide.
Normalement il devrait pleuvoir pendant 2 jours.

Nous attaquons la trace par un bon bout de piste cyclable, de type « ancienne voie ferrée » particulièrement roulant.
La pluie s’intensifie. Petit stop sous un tunnel pour passer le pantalon. C’est à ce moment que le voyage prend un autre tournant. La pluie fine se transforme en putain d’averse belge de pluie à 3°. On attend quelques minutes que ça passe, mais manifestement, c’est parti pour un bon moment. On décide donc d’attaquer. Mouillé pour mouillé, de toute façon, on sera mouillé.

On se fait bien rincer pendant les premiers km. Petite éclaircie. Julien en profite pour cisailler un pneu.
Nickel. Passage de chambre à air. Tout est sous contrôle. Le sol est recouvert de 10cm de préventif. Nous reprenons la route.
Premier stop gastronomique pour déjeuner. Bicky, mitraillette, sauce samouraï, boulettes, petite frite, Jupiler pour tout le monde. On se pose sur la place du village pour déguster notre repas 3* Michelin. On se demande bien comment les autochtones font pour survivre à ce genre de bouffe… c’est vandalisant.

 
Le ciel vire au noir. Averse de grêle 4000. On trouve refuge sous le porche d’un hôtel abandonné. Ce voyage va vraiment être météorologiquement éprouvant…

Le point d’orgue de la journée est le parc naturel des Hautes Fagnes. Une tourbière vieille de plusieurs millénaires, réputée pour sa singularité.
C’est un plateau, pas trop loin du point culminant de la Belgique. Le paysage y est très spécifique. Presque aucun arbre, certains morts ou calcinés. Une tourbière très humide avec des herbes hautes kaki. Nous attaquons le parc par une longue ligne droite qui nous permet de le traverser entièrement avant de remonter à rebrousse-poil dans la tourbière.

Paysages surréalistes, la lumière est incroyable. Nous avons quelques rayons de soleil, mais le ciel reste globalement très bas.

On évite une averse dans un abri pour chasseurs avant d’attaquer le vif du sujet : pour se déplacer dans le centre du parc, il faut passer sur des sortes de ponts de bois, sans rambardes, qui serpentent au milieu des marais. Un déséquilibre à droite ou à gauche, et c’est la chute dans la flotte… Les ponts font maximum 50cm de large. Autant dire que la situation est un peu périlleuse et qu’on ne fait pas trop les malins.
Quand il n’y a pas de ponts, c’est du sous-bois avec son lot d’arbres morts et de feuilles au sol. Autant dire que nous comprenons rapidement que nous allons marcher un bon moment dans ce parc. Mais le paysage est tellement incroyable que l’effort en vaut la chandelle. Marcher dans ce décor post apocalyptique est une expérience esthétique et physique hors du commun.

 
On finit par réussir à sortir du parc sans trop de dégâts. On passe le point culminant de la Belgique… un peu moins de 900m et s’en suit une descente en forêt vers le camping que nous avions repéré sur la carte en cas de pluie. Nous sommes totalement trempés, et une douche serait la bienvenue. Un feu pour faire sécher les chaussures également.

Nous découvrons la passion des Ardennais pour l’agro foresterie. Au milieu des bois, certains pans de la montagne sont totalement mis à nu. Un local nous expliquera que les forêts du coin sont détenues pas une poignée de familles, et qu’il faut désormais 100 ans entre le jour où un arbre est planté et celui où il sera coupé. L’héritage.

Le restaurant est fermé, mais la carte des bières nous réconforte. Tournée de Duvel, Orval et autres Chimay locales. La seule chose qui peut encore sortir des cuisines passera par la friteuse. Qu’à cela ne tienne. Tournée de friteuse, boulettes.
Nous plantons les tentes sur sol bien humide, enfilons les doudounes et passons une première nuit plutôt très fraîche dans ce camping.

Jour 2

Réveil à l’aube.
Il a fait froid, très froid cette nuit. On a flirté avec les 2°. Pour Mélanie, l’idée de refaire la même qu’hier ne passe pas. Avec Julien, ils décident de shorcuter l’itinéraire pour reprendre un peu de force. Nous entamons la journée par un bon bout de forêt, avec son lot d’arbres tombés sur le chemin. Le sol est très gras, et l’atmosphère particulièrement humide. À vrai dire, il va pleuvoir une bonne partie de la journée.

Notre objectif du jour est un spot de bivouac avec feu ouvert dans les hauteurs de Houffalize. Sur Google maps, l’accès n’a pas l’air trop compliqué. Ce sera une autre histoire en pratique.

Première pause pour déjeuner. Nous sommes dimanche, et évidemment, tout est fermé. Seul un « château » semble ouvert. À la vue de nos vêtements crottés, le propriétaire refuse de nous laisser entrer. Il aura tout de même l’immense amabilité de nous autoriser à manger devant la porte près de la grange. Tels des castors, nous sortons donc nos plats lyophilisés des sacs, les popotes et les réchauds. Chacun commence alors son petit rituel de repas. Notre non-hôte nous apportera tout de même 6 verres de cervoise. Un ancêtre de la bière, qu’il est, paraît-il, interdit de vendre encore aujourd’hui… Ça ressemble à de la bière plate, mais ça nous donne l’impression d’être des Gaulois l’espace de 33cl.

On finira tout de même par rentrer dans le château, qui n’a finalement rien de bien aristocratique, mais dont les poutres du grenier semblent avoir près de 800 ans. Le propriétaire nous parlera pendant 30 minutes de sa vision de la reconstruction de notre dame… c’est toujours amusant de voir chacun se transformer en architecte / conservateur / quand un drame de ce genre se produit.
Nous acquessons au coin du feu.

Mélanie et Julien nous quittent jusqu’au soir. On passe pendant 30m au Luxembourg pour enfin arriver après beaucoup de forêts roulantes, moins roulante, carrément boueuse… à Houffalize. Avant de descendre en ville, nous décidons de repérer un peu l’emplacement du bivouac. Problème, le sentier qui apparaît sur nos cartes est introuvable. Pour le suivre, il faudrait tirer droit dans le pentu à 90° de la piste que nous empruntons. Impossible, ça ne peut pas être ici. Impossible n’est pas gravier. Nous voilà en train de grimper ( sans les vélos ) à la recherche du bivouac perdu, qui s’avérera être 100m plus haut ( en longueur et en hauteur ) Voilà qui va être compliqué à atteindre avec nos vélos… Un problème que nous réglerons après une bonne bière.

Ju et Mel nous attendent dans un troquet : l’OH ROCK, tenu par un homme dont la barbe n’a rien à envier aux membres du groupe ZZ TOP. Tournées de Vedett en bonnes et dues formes. L’état des vélos commence à pas mal se dégrader. Pas mal de shops en ville, demain matin sera l’occasion de trouver des plaquettes neuves et de retrouver un peu de mordant.

Nous décidons alors de rejoindre le bivouac avant la nuit, pour éviter de trop galérer dans la montée. Les courbes topographiques sont sans appel : ça va grimper. En effet, après quelques mètres de chemin à peu près faisables, nous attaquons un peu plus d’1km à 25% de pente. Un bon supplice de fin de journée. L’arrivée au spot bivouac est un soulagement pour tout le monde. Nous investissons la cabane ouverte et ses deux tables de pique-nique avec nos affaires. Pierre et Julien se lancent dans l’allumage d’un feu de bois salvateur, et chacun sort les victuailles achetées en ville au night shop.

 
La température commence à baisser tandis que nous plantons les tentes. Ces deux journées auront été particulièrement éprouvantes, tant sur le plan physique que météorologique. Nous constatons tout de même que, malgré tout, on s’habitue à tout et que rouler sous la pluie devient presque une habitude. L’essentiel est d’être bien équipé. Pantalon de pluie, veste étanche, sur-chaussure. L’eau finit toujours par passer à un moment ou un autre. Mother nature n’est jamais bien loin.

Jour 3

Seconde nuit encore plus fraîche que la première. Pierre regrette de ne pas avoir de doudoune. Hugues regrette d’avoir prêté la sienne à Élise. Les utilisateurs de doudoune sont satisfaits de leur choix. Difficile de sortir du duvet ce matin, mais l’heure c’est l’heure. Café, pâtisserie industrielle, saccochage des affaires, pliage des tentes.
Mélanie prend beaucoup de temps pour émerger, ce qui nous inquiète un peu tous. Elle décide ne de pas faire cette troisième journée avec nous. Julien lui prête un GPS, avec un itinéraire optimisé pour éviter les trop grosses difficultés. Autant que cette aventure ne reste pas qu’un mauvais souvenir.

Nous prenons donc la route vers le nord. Bouclons la boucle. Deux jours pour descendre, deux pour remonter Notre étape du jour passe par Achouffe, où sont brassées les fameuses bières Chouffe, et Vedett. Arrêt déjeuner obligatoire. Boulettes liégeoises gargantuesques. Hugues mettra un certain temps à s’en remettre tant la richesse gustative et calorique est intense.
La journée se déroule sans trop s’embûches. Petit coup de fil à Mel, qui est déjà arrivé en ville. Nous décidons de la rejoindre au camping, histoire de manger un vrai repas ce soir, et de ne pas trop la faire attendre au milieu de la pampa. Petite frayeur pour Laurent, à deux doigts de finir dans le ravin suite à un pied mal placé sur une souche d’arbre. Plus de peur que de mal.

 
Nous constatons une fois de plus de la qualité des traces proposées par le site bikepacking.com. C’est propre, sans bavure, sans obstacle infranchissable et nous régale de paysages et autres réjouissances gustatives. Un pur bonheur. Arrivée au camping, petit stop au restaurant. Le moins que l’on puisse dire c’est que les Belges n’aiment pas dîner tard. Alors pour être sûrs d’avoir quelque chose à se mettre sous la dent ce soir, nous décidons de manger tout de suite et de planter nos tentes plus tard. Je gratte quelques œufs en cuisine pour le petit déjeuner de demain matin.

Le camping s’avère avoir une plaine réservée aux toiles de tente, entre un ruisseau et une voie de chemin de fer désaffecté. Idéal. Nous clôturons le repas par un petit apéro post-dînatoire de haute qualité concocté par Mélanie. Il fait moins froid, une bien belle soirée. Demain sera le dernier jour de notre aventure. Au menu, remontée sur Liège en suivant la rivière et traversée de la ville.

Jour 4

Toutes les bonnes choses ont une fin ( sauf le saucisson qu’on a mangé hier soir ) et il est temps de rentrer. Nuit fraîche, mais nous commençons à nous habituer ( enfin, pas tout.e.s mais presque ) Petit déjeuner royal : café, omelette, oklm.

Nous prenons la route au grand complet pour cette dernière journée. Ce jour de « repos » aura remis Mélanie d’aplomb. Comme les 3 jours précédents, l’itinéraire nous régale de chemins, forêts, franchissement de ruisseaux, et autres petits plaisirs du quotidien. L’allure va bon train, les descentes sont un peu techniques, mais rien de bien méchant… enfin, suffisamment tout de même pour me valoir une belle chute de type soleil de minuit par-dessus le guidon et un écorchage de main assez solide. Voilà ce qui arrive quand on roule sans gants. Trousse à pharmacie, gel antiseptique, bandage, pansement et une tache de sang plus tard. Nous voilà repartis.

 
Nous passons dans un bled dans l’espoir d’y déguster une pizza de type fameuse. Malheureusement, tout est fermé. On trouvera une fermière qui nous vendra quelques yaourts et des œufs… Et qui nous indiquera tout de même la présence d’un supermarché pas trop loin.

Dévalisage de rayon,
Jupiler en 50.

Nous voilà dans les gradins du stade de foot local en train de nous concocter des sandwichs fameux. Y’a pas à dire, les voyages en bike packing tournent quand même à 90% autour de la bouffe ( Les 10% restant, c’est pour la map et les galères d’itinéraire ).

La fin du trip se fera en grande partie sur les bord de l’Ourthe. Une piste cyclable assez roulante, bien que chaotique à cause de nombreux travaux aux abords de Liège. Petit passage par la rue des graviers, pour poser une pierre. Dernière difficulté de la journée et dernière bosse pour regagner le parking où nous avons laissé les voitures 3 jours plus tôt.
17h, nous arrivons sans trop d’encombres à destination. Voilà à nouveau une affaire rondement menée pour la team Gravier.
300 km de haute qualité, sans trop d’embûches, si ce n’est le froid et la pluie qui nous aurons rendus les premiers jours particulièrement rocambolesques.

 
BigUp à toute l’équipe, soudée du premier au dernier km.
BigUp à la Belgique, riche en bière et friture du premier au dernier km


LA MAP



293km
4300m D+
4 JOURS

Photos : Laurent Belando